Phosphore1 et phosphates.
Les apports de phosphates ont augmenté de manière considérable en même temps que les apports de nitrates (voir rapport « Chevassus » p.47 et suivantes). Ils ont été très importants en gros de 1960 à 1985, puis ils ont diminué plus tôt et plus vite que les apports de nitrates pour la raison suivante : alors que les apports de nitrates sont à plus de 90% d’origine agricole, donc diffus, les apports de phosphates étaient pour une part non négligeable d’origine domestique, donc dans des effluents de stations d’épuration et les assainissements non collectifs. Les travaux entrepris ont porté leurs fruits, et les apports ont diminué. En pourcentage, les apports d’origine agricole augmentent actuellement par rapport aux apports totaux (50 à 60%), non parce qu’ils augmentent dans l’absolu, mais à cause de la diminution des autres apports, suite à la suppression des polyphosphates dans les lessives, et aux progrès réalisés sur le traitement des eaux usées en général, stations d’épuration ou assainissements non-collectifs.
La difficulté est qu’une grande partie des phosphates ne restent pas dissous dans l’eau (ils sont très peu solubles), mais floculent et sédimentent avec des sels présents dans l’eau. Ils peuvent être relargués ultérieurement par le sédiment dans certaines conditions. Les contrôler est donc très difficile, parce que les quantités accumulées dans les sédiments seraient très importantes, de l’ordre de plusieurs dizaines d’années d’apport. Le temps de réponse aux efforts effectués serait donc encore beaucoup plus long qu’avec les nitrates.
Les taux de phosphates disponibles sont très généralement largement en excédent par rapport aux besoins des ulves2, donc rien n’interdit de penser qu’ils ont leur part de »responsabilité » dans les marées vertes.
Que le phosphore ne soit que rarement (mais cela arrive par endroit certaines années) limitant dans la croissance des algues vertes ne suffit ni à le considérer comme responsable, ni à lui retirer toute responsabilité. Il faut retenir que le phosphore, comme l’azote, est indispensable à la croissance et à la vie.
La différence avec l’azote est, comme nous l’avons vu, quantitative, mais elle est aussi qualitative : il n’y a pas de phosphore dans l’air, donc en absence de phosphates dans l’eau, il n’y a pas de croissance possible pour les ulves.
Les apports de phosphates ont été très importants pendant plusieurs décennies ; comme ils sont très peu solubles, ils se sont déposés, si bien qu’ il y a aujourd’hui assez de phosphates dans le sédiment pour des dizaines d’années de marées vertes.
1 Le phosphore est indispensable aussi à la vie, il est en particulier à la base des transferts d’énergie (cycle ADP-ATP). Les phosphates sont des ions qui comportent 4 atomes d’oxygène pour un atome de phosphore (PO4)
2 Les besoins des ulves en phosphore sont 16 fois plus faibles (16 en proportion atomique, 7,2 en proportion de masse) que les besoins en azote.