L’arbitrage, ou le rapport « Chevassus »

La controverse présentée par ailleurs, et la fragilité de la démonstration de la responsabilité des nitrates dans la production des marées vertes ont conduit certains responsables agricoles, avec l’appui scientifique de l’Institut Scientifique et Technique de l’Environnement (ISTE) à remettre cette responsabilité en cause, et tout le plan de lutte contre les algues vertes avec. Cela s’est traduit par des articles dans la presse, mais aussi par des contacts avec des responsables politiques pour leur demander l’annulation du plan.

A la suite de ces demandes, et au vu de l’exaspération d’une grande partie du monde agricole, lassé d’être montré du doigt, et des associations environnementales, de plus en plus remontées, à la suite surtout des interventions et prises de position de l’ISTE1, un bilan a été demandé, par les ministres de l’Agriculture et de l’Environnement, au CGEDD 2 et au CGAAER3. (Rapport « Chevassus »)4.

Le rapport affirme que les apports de nutriments liés à l’activité humaine sont responsables de l’importance des marées vertes, précise que, compte-tenu des apports de phosphates très importants qui ont eu lieu dans le passé, les nitrates ne sauraient être tenus pour seuls responsables, que par conséquent, les agriculteurs ne doivent pas être tenus comme seuls responsables. Et il conclut au bien-fondé de la réduction des flux d’azote d’origine agricole, seul outil disponible.

Il souligne au passage qu’il est inutile d’essayer d’établir des corrélations entre tel ou tel facteur et les quantités d’algues ramassées ou observées.5

 Autrement dit, il explique avec beaucoup de diplomatie que la thèse soutenue par l’IFREMER ne tient pas la route, mais qu’il faut quand même faire baisser les taux de nitrates, parce qu’on n’a pas d’autre moyen d’action contre les marées vertes.

 Que les agriculteurs ne soient pas seuls responsables veut dire que nous sommes tous responsables.

 Nous sommes tous responsables d’abord parce que les apports de phosphates ont été importants jusqu’à la fin des années 90, et que la part agricole n’était pas à l’époque la plus importante. On pourrait ajouter que nous sommes responsables aussi parce que les agriculteurs ont été conduits par de nombreux acteurs économiques dans la voie qu’ils ont prise, et n’en sont donc pas seuls responsables. Il est clair en particulier que la politique agricole commune a joué un rôle clé dans cette évolution.

 Nous sommes tous responsables, mais le seul levier d’action envisageable à ce jour, ce serait la lutte contre les nitrates, et donc nous demandons des efforts aux agriculteurs, ils sont les seuls à pouvoir faire quelque chose !

 Cette présentation de la situation est quand même très différente de celle qui a prévalu jusqu’ici, et, contrairement à ce qui est dit et répété en particulier dans le communiqué du Conseil Scientifique de l’Environnement de Bretagne en 2009, il n’est plus question de faire payer les agriculteurs au nom du principe pollueur-payeur : c’est à nous tous de payer, puisque nous sommes tous responsables.

 C’est d’ailleurs ce qui est mis en place dans les chartes ou les contrats de bassins versants qui ont été signés.

Outre ce constat, le rapport d’arbitrage propose des pistes de recherche, en particulier :

- affiner le rôle de l’azote et du phosphore à la période sensible

- mieux connaître le rôle du sédiment dans le piégeage et le relargage de l’azote et du phosphore

- affiner le modèle utilisé pour estimer les marges d’incertitude (importantes pour évaluer l’efficacité des efforts sur les taux) et pour mieux connaître l’évolution pluriannuelle

Il insiste ensuite fortement sur l’importance d’ouvrir la recherche aux sciences de l’homme et de la société pour travailler sur l’accompagnement du plan gouvernemental. C’est à dire qu’il souligne le poids des efforts demandés aux agriculteurs et insiste sur la nécessité d’accompagner ces hommes et ces femmes dans une mutation dont l’importance n’est plus niée.

Et il ajoute que le rapport n’avait pas pour objet de proposer un savoir nouveau ou de nouvelles décisions à prendre. Ce qui peut être entendu comme une ouverture à l’idée qu’on pourrait chercher d’autres solutions, et ne pas se cantonner à la lutte contre les nitrates

1Extraits de la lettre de mission envoyés aux rédacteurs de ce rapport : …Pourtant ces conclusions scientifiques sont aujourd’hui contestées par certains opposants parmi lesquels figure l’association « institut de l’environnement » (ISTE). Ce dernier conteste le lien entre l’azote et les marées vertes…. Dans la mesure où les propos tenus par l’ISTE constituent une entrave à la mise en œuvre du plan gouvernemental…

2 Conseil général de l’environnement et du développement durable Ministère de l’Écologie….

3 Conseil Général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux Ministère de l’Agriculture….

4  »La conclusion du rapport rappelle les fondements scientifiques et techniques du plan d’action gouvernemental, centré sur la réduction des flux d’azote d’origine agricole. Elle en confirme le bien-fondé, à la lumière de l’analyse réalisée par la mission.

Elle souligne également que les caractéristiques de la situation bretonne actuelle, et notamment les accumulations importantes de phosphore en zone littorale – qui alimentent les ulves et expliquent le caractère inopérant d’une action éventuelle sur les flux de cet élément – résulte de l’action de multiples acteurs pendant plusieurs décennies. La responsabilité de cette situation ne saurait donc être imputée aux seuls agriculteurs d’aujourd’hui.

Enfin, la mission insiste sur la nécessité de poursuivre les efforts d’information et de communication vis-a-vis de l’ensemble des acteurs et de s’inscrire dans une stratégie a long terme visant a offrir des perspectives positives a l’ensemble de ces acteurs. » Rapport CGEDD et CGAAER.Chevassus-au-Louis et al

5  »L’étude empirique de la relation entre les marées vertes et un seul paramètre (par exemple les flux d’azote ou de phosphore), en comparant différentes situations géographiques, conduira le plus souvent à des relations faibles ou nulles mais qui ne constituent pas des « incohérences » et ne peuvent servir d’argument scientifique pour nier l’effet de ce paramètre. »Rapport CGEDD et CGAAER.Chevassus-au-Louis et al

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