Le rôle du vent

J.Y. Piriou en 1985 évoque un double rôle du vent, d’une part dans les déplacements des stocks d’algues profondes dans le sens de la houle, et d’autre part dans les échouages qui ont lieu, souligne-t-il, plus par temps calme que par gros temps. On peut penser que c’est ainsi le vent qui explique que, dans la même baie, les échouages se déplacent d’une année sur l’autre. Il est signalé aussi que le vent est déterminant dans le courant résiduel de marée en baie de St Brieuc.

Un autre effet n’a jamais été approfondi, bien qu’il ait été évoqué par Michel Merceron dans une publication sur la baie de Douarnenez ( Merceron M. et al, 1999). Il rapporte en effet que les vents de terre favorisent les échouages, et qu’au contraire, les vents du large semblent favoriser le départ des algues.1

Malheureusement, la modélisation des courants de vent n’a jamais été entreprise pour compléter ces observations et ils n’ont pas été pris en compte dans la modélisation des marées vertes.

L’explication pourrait être la suivante :

vent-échouages

 

Il y a des stocks d’algues vertes au fond, par quelques mètres de profondeur ; le vent vient de la terre, il crée un  »courant de vent », qui écarte l’eau de surface de la côte, et l’eau du fond est  »aspirée » à la côte par un  »courant induit » ; ce phénomène d’ « up-welling » apporte les algues vertes en bord de plage, où elles forment le rideau décrit plus haut. A partir du rideau, elles pourront s’échouer ultérieurement, quant aux algues qui pourraient être entraînées par le courant de surface vers le large, comme elles sont plus lourdes que l’eau, elles retombent au fond (sédimentent) dès qu’elles ont quitté la zone de déferlement, puis sont rapportées vers le bord par le courant induit. Ceci explique très bien que la concentration d’algues se stabilise près du bord.

A l’inverse, si le vent souffle du large, le schéma s’inverse, l’eau de surface va chasser l’eau du fond, et ceci explique qu’après un coup de vent d’ouest en baie de Douarnenez, les algues aient disparu du rideau, s’étant échouées( mais Piriou comme Merceron ont observé qu’en général les échouages avaient lieu surtout par temps calme), ou plus probablement ayant été chassées vers le large dans des zones plus profondes. C’est bien sûr un schéma simplifié, qui ne tient pas compte du découpage de la côte, des particularités de chaque site, mais il permet d’expliquer une partie des observations faites.

Ce rôle du vent conduit à analyser d’une part la croissance des algues , et d’autre part les échouages , ce qui permettrait peut-être d’expliquer les variations inter-annuelles, et les variations d’un site à l’autre mieux que ne le font les seules mesures des flux de nutriments.

Bien sûr, cette théorie ne permet pas de résoudre le problème des marées vertes, mais l’idée de séparer le problème de la croissance des algues du problème de leur échouage ne devrait pas être écartée. Cela ne veut pas dire que tel ou tel nutriment est ou n’est pas en cause, mais contraint à réfléchir sur le déroulement du phénomène. Des algues qui ne se sont pas développées ne peuvent évidemment pas s’échouer, mais des algues développées ne s’échouent pas nécessairement ; ou ne s’échouent pas nécessairement là où elles se sont développées.

La corrélation observée en baie de St Brieuc à l’exception de 1998, et qui ne se retrouve pas en général, pourrait d’ailleurs, si on l’examine en partant de l’hypothèse que les courants de vent ont un rôle, s’expliquer de la façon suivante :

les flux d’azote sont fortement corrélés à la pluviométrie (taux de nitrates et débits augmentent en général en même temps), celle-ci est corrélée aussi aux vents dominants (il pleut souvent par temps de Sud à Ouest, moins souvent par temps de Nord-Est) donc quand l’étude met en évidence une corrélation entre flux d’azote et biomasse d’algues, cette corrélation pourrait traduire seulement une augmentation des échouages provoquée par le vent. Parce qu’en fait quand on dit biomasse, on veut dire biomasse échouée, et ramassée. Donc ce qu’on mesure, c’est le bilan de la production d’ulves d’une part, et des échouages d’autre part.

Il est bien connu que prouver une corrélation ne prouve en rien un lien de causalité. (Le fait qu’il y ait plus de malades à l’hôpital ne prouve pas que l’hôpital rende malade). Le lien de causalité, s’il y en a un, pourrait ne pas être  »le flux de nitrates est responsable de la croissance des ulves », mais pourrait être  »le vent de Sud est responsable de l’échouage des ulves » dans la baie de St Brieuc.

Une explication n’exclut d’ailleurs pas nécessairement l’autre ! Les deux liens pourraient coexister.

Quant à l’année 1998, compte tenu du flux d’azote très élevé, qu’il s’agisse d’une explication ou de l’autre de la corrélation, elle a manifestement été exceptionnelle.

A St Michel-en-Grève, une étude faite par le CEVA en 2000 n’a pas permis de mettre en évidence de lien entre la force et la direction du vent et les surfaces d’échouages.

Une fois encore, même si la biologie des ulves est une constante, les sites sont à prendre et à étudier un par un.

Mais penser séparément la prolifération et les échouages permet d’ imaginer des moyens pour diminuer les échouages, en pêchant les algues quand elles sont encore au fond et non dans le rideau, ou en les empêchant de remonter dans le rideau en entravant leurs déplacements sur le fond.

 

 

1 »Localement, il est connu, et nous avons nous-mêmes observé plusieurs fois, que les vents d’est favorisent les échouages d’ulves sur les plages, et les vents d’ouest leur disparition des plages et leur retour en mer dans la mesure où le coefficient de marée le permet. » (La baie de Douarnenez est ouverte à l’ouest, et les vents d’est sont donc bien des vents de terre, et les vents d’ouest des vents du large )

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