L’affaire des sangliers: trente morts, une question.

En juillet 2011, plus de trente sangliers ont été trouvés morts sur la grève, souvent à proximité de dépôts d’ulves pourries. Les algues vertes ont rapidement été accusées d’avoir causé la mort de ces sangliers, malgré de nombreuses questions.

Sanglier

 

Il faut saluer la prudence du Dr Claude Lesné qui dans un premier temps émet un doute :

L’hypothèse d’une asphyxie par les algues vertes est la plus vraisemblable, mais celle de la mort des sangliers à la suite de l’ingestion d’un produit toxique n’est pas totalement à exclure». (Télégramme 31/7/2011)

Mais pour la plupart des médias et des associations environnementales, la messe est dite, et les premiers résultats d’analyse ne font que renforcer cette certitude :

 Depuis le 1er août, c’est officiel, cinq sangliers, sur les six passés au crible des analyses toxicologiques, présentent bien des taux anormalement élevés de sulfure d’hydrogène (H2S), gaz mortel émanant des algues vertes en décomposition. L’hécatombe de sangliers (36 au total) ne peut donc plus être imputée à une épidémie d’infarctus. Les taux relevés sont même supérieurs dans un des cas à ceux retrouvés chez le cheval tombé mort sur une autre plage en 2009… Le Point Camille Lamotte 4/8/2011

 

Il y avait bien un élément troublant, le fait que tous les sangliers,  »sauf un », présentaient un taux de H2S anormal. De quoi était mort ce  »sauf un » ? Probablement pas de chagrin. La question n’a pas troublé grand monde.

Dès août 2011, Luc Brient1 envoie un rapport au préfet dans lequel il montre, photos à l’appui, la présence de cyanobactéries dans l’estuaire du Gouessant.

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Flocs brunâtres de cyanophycées dans l’estuaire du Gouessant.

Il mentionne aussi la présence de toxines dans la rivière, tout en précisant que les populations algales évoluent très vite, et explique qu’il est impossible de dire rétrospectivement ce qui s’est passé une semaine avant. Pour lui, pendant les faibles coefficients de marée, la mer ne serait pas remontée dans l’estuaire, et des cyanobactéries auraient eu le temps de se développer, sans qu’il soit rétrospectivement possible de dire lesquelles. Des traces de sangliers dans la vase montre qu’il y a eu du passage.

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Ne pas confondre trace de botte et passage de sanglier

Luc Brient propose d’analyser les cadavres de sangliers pour rechercher les toxines.

Et ce n’est que le 2 juillet 2012 que Le Télégramme nous explique que  »pour Luc Brient qui a procédé à l’autopsie de cinq des 36 cadavres, l’hypothèse tient la corde : les sangliers auraient été tués par les algues bleues venues de la rivière. Une thèse développée dans le cadre du projet de recherche « cyangliers » et qui entre en contradiction avec deux rapports officiels publiés en septembre dernier. »

Algues bleues, c’est l’ancien nom pour les cyanobactéries, ces organismes dont on a vu que certains sont capables en absence de nitrates de capter l’azote de l’atmosphère.

Luc Brient a mis en évidence dans les contenus digestifs des cinq sangliers examinés de la phycocyanine, pigment attestant la présence de cyanobactéries, par contre, les autorités n’ont pas donné suite à sa proposition de rechercher des toxines dans les échantillons prélevés sur les sangliers ; donc il n’est pas certain, même si c’est probable, qu’ils aient été intoxiqués par les cyanophycées.

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Les traces bleu-vert qu’on aperçoit sur la vase montrent la présence de phycocyanine.

En fait, ce qu’on peut imaginer, c’est que les sangliers, intoxiqués par les cyanobactéries, dont certaines sont neurotoxiques, et dont ils sont friands, se sont aventurés dans les algues vertes, où ils ne vont pas habituellement, et sont morts, soit à cause des unes, soit à cause des autres.

Or le fait que la rivière soit chargée en cyanobactéries pourrait signifier qu’elle était trop pauvre plutôt que trop riche en azote , trop pauvre par rapport au phosphore par exemple.

Cela semble donner raison à Guy Barroin ! S’il a raison, la lutte contre les nitrates ne sera pas efficace dans la lutte contre les marées vertes ! Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a aucune raison d’essayer de maîtriser les rejets d’azote, mais que ce n’est pas le meilleur moyen de lutter contre les marées vertes.

Cette controverse, et la fragilité de la démonstration de la responsabilité des nitrates dans la production des marées vertes a conduit certains responsables agricoles, avec l’appui scientifique de l’Institut Scientifique et Technique de l’Environnement (ISTE) à remettre cette responsabilité en cause, et tout le plan de lutte contre les algues vertes avec. Cela s’est traduit par des articles dans la presse, mais aussi par des contacts avec des responsables politiques pour leur demander l’annulation du plan.

1 Luc Brient. ingénieur d’études de l’Unité mixte de recherche Écosystème, biodiversité, Évolution (laboratoire de recherche Ecobio) Université de Rennes 1

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