Dans le monde.
La première description sérieuse de marée verte remonte à la fin du XIXème siècle dans la baie de Belfast ; elle avait, déjà à l’époque, été mise en relation avec les rejets azotés d’un gros centre industriel, et était à ce titre considérée comme utile pour son rôle épurateur….tant que les algues restaient fixées ! (voir rapport « Chevassus » page23)
Puis des marées vertes ont été ou sont décrites à Cuba (dès les années 50), en Chine, en Norvège, aux Pays-Bas, au Danemark, au Portugal, dans la lagune de Venise, à Tunis, au Sénégal.
Dans la lagune de Venise, la marée a atteint 1 million de tonnes par an vers 1980, avant de diminuer considérablement. Différentes raisons sont avancées pour expliquer cette diminution.
En France, on en observe dans les lagunes méditerranéennes, en baie de Somme, dans le Cotentin, au Sud en Loire-Atlantique et en Charente-Maritime et enfin bien sûr en Bretagne, où le phénomène est le plus grave en ce qui concerne les côtes françaises.
Dans les lagunes méditerranéennes, le phénomène prend le nom de malaïgue, et peut se traduire par la mort des végétaux (algues vertes incluses) et animaux aquatiques présents dans la zone à la suite de la consommation de tout l’oxygène disponible. Le phénomène s’éteint donc de lui-même après un épisode catastrophique.
Joël Kopp (ISTPM), dans un rapport en 1977, fait remonter le phénomène à 1968 et décrit dès 1975 des dépôts très importants où il enfonce jusqu’au genou dans des dépôts putrides, estimant les quantités échouant à 6600 tonnes en baie de St Michel en Grève pour une production qu’il estime à 13500 tonnes, et 22000 tonnes en baie de st Brieuc pour une production estimée de 56000 tonnes.
Il a déjà clairement fait la différence entre quantités produites et quantités échouées.
Mais Jean Yves Piriou (IFREMER) , à l’aide de clichés pris à l’occasion de campagnes de photographie aérienne par l’IGN en 1952 et en 1966, signale des proliférations d’algues en bas de plage, avec une très forte probabilité, mais pas une certitude, qu’il s’agisse d’ulves. Probabilité d’autant plus forte que c’étaient bien des ulves qui avaient été observées dès 19241 sur les côtes de la Manche ; mais il y avait peu de touristes à l’époque.
En 1968, les médias s’emparent du sujet pour St Michel-en-Grève (baie de Lannion), puis en 1972 pour la baie de St Brieuc, en 1979 en baie de Douarnenez, et en 1980 en baie de Concarneau. C’est à dire, comme le fait remarquer Michel Merceron, (IFREMER), que les sites les plus gravement atteints, ont été les premiers touchés.
J.Y. Piriou estime que la situation est à peu près stabilisée depuis le milieu des années 80.
Autant les sites les plus gravement touchés sont toujours les mêmes, autant les variations d’une année sur l’autre, et d’un site à l’autre sont très importantes : une année peut être une année de forts échouages sur un site, à l’échelle de ce site, et une année d’échouages modestes sur un autre site. Ces variations ne sont pas vraiment expliquées pour le moment, comme nous le verrons plus loin.
L’impact est catastrophique pour les sites les plus gravement atteints : de grandes baies fermées, très plates, où la mer se retire très loin quand elle descend, de très belles plages, pourraient attirer beaucoup de touristes. Les dépôts épais pourrissant en haut de plage en dégageant une forte odeur d’œuf pourri gâtent un peu le plaisir, et c’est un euphémisme ! D’autant plus que les événements récents et le battage médiatique qui les a accompagnés ont mis en évidence le »danger » que pouvaient représenter ces dépôts dans certaines conditions.
La superbe baie de la Lieue de Grève2 par exemple, dont les constructions sont les vestiges d’une époque où les touristes affluaient, a vu tout son parc hôtelier sinistré (5 hôtels sur 6 ont fermé) et sa richesse immobilière sévèrement dépréciée ; c’est dire que les communes n’ont pas pu profiter du développement du tourisme des dernières décennies, et ont vu l’existant sérieusement dévalorisé, en même temps que les coûts de ramassage grevait les budgets des communes.Il y a relativement peu de sites aussi gravement touchés, mais pour ceux-ci, c’est la catastrophe.
Sur les sites où elle est présente, la conchyliculture est pénalisée aussi, les paquets d’ulves se déposant sur les parcs ostréicoles, au sol ou sur les tables, entravant la circulation de l’eau, donc l’alimentation et la respiration des huîtres.
Les marées vertes existent depuis très longtemps, mais n’ont pris l’ampleur qu’elles ont actuellement que depuis la fin des années 60.
1 Observation rapportée par Vincent, directeur de la station agronomique de l’INRA de Quimper
2La Lieue de Grève est la grande baie partagée entre St Michel-en-Grève et Plestin-les-Grèves. Elle se situe dans la baie de Lannion.