La communication sur les marées vertes: un cas d’école

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On peut établir un parallèle entre le problème des algues vertes et d’autres problèmes qui font la une des journaux :

- Des scientifiques, après avoir travaillé sur des modèles mathématiques, émettent un avis qui doit entraîner des prises de décisions importantes.

- D’autres scientifiques émettent un avis différent, avis dont la presse ne se fait pas ou peu l’écho.

- De part et d’autre, des groupes d’intérêt, et des lobbys, soutiennent les scientifiques dont l’avis va dans le sens de leurs convictions ou de leurs intérêts.

- Enfin des politiques hésitent, coincés entre les intérêts économiques et les rappels à l’ordre d’une minorité écologiste bruyante. (efficacement soutenue par la presse)

Cette situation entraîne un durcissement des positions de toutes les parties en présence, y compris des scientifiques.1

On peut penser au problème du réchauffement climatique, ou au problème du créationnisme, les ingrédients sont les mêmes que pour les marées vertes.

Prenons l’exemple du réchauffement climatique avec lequel Alain Menesguen lui-même fait le parallèle lors de sa conférence publique à l’IFREMER le 13 mars 2013 en déplorant le retour de l’obscurantisme.

Les scientifiques du GIEC, comme Jouzel, assurent que le réchauffement qu’on a observé à la fin du XXème siècle est dû à l’accroissement de l’effet de serre lié à l’activité humaine, principalement à la combustion des carburants fossiles. C’est la thèse unanimement reprise par la presse, les politiques…

D’autres, comme Courtillot pensent avec Syun-Ichi Akasofu que les variations observées pourraient être dues au réchauffement depuis le dernier petit âge glaciaire, comme le montre le graphique suivant, qui reprend l’évolution de la température sur les 120 dernières années :

 

(c’est + 0,5°C et – 0,5°C qu’il faut lire de part et d’autre du 0°C)

 

Ce réchauffement de 0,5°C par siècle se faisant avec des oscillations autour de la pente principale de hausse, on observe des périodes de montée brutale des températures (de 1930 à 1945 puis de 1985 à 2000) et des périodes de stabilisation, voire de baisse (1960 à 1970). Akasofu n’exclut pas du tout que l’activité humaine puisse éventuellement aggraver un peu la pente normale. Lui, et ceux qui partagent son point de vue, disent simplement que faire intervenir l’activité humaine n’est pas nécessaire pour expliquer la hausse des températures observée au siècle dernier. Ils sont traités comme des négationnistes. Si leur analyse est la bonne, nous devrions observer un palier dans la hausse des températures, or voilà la situation quelques douze ans plus tard :

akasofu3

 

La courbe des températures est en train de sortir des marges de prévisions du GIEC, ce qui tendrait à montrer que ceux qu’on qualifiait au mieux de climato-sceptiques, au pire de révisionnistes, n’avaient peut-être pas tort !

Le processus a été le même pour les marées vertes, l’IFREMER, dominant dans les médias, sans doute grâce à l’aide des associations environnementales, qui impose une vision du problème et excommunie tout opposant, une politique qui s’engage, trop mollement au goût de l’IFREMER et des militants écologistes, dans une direction qui n’est pas mauvaise en tant que telle, mais dont on ne sait pas si elle mène quelque part.

De même que l’IFREMER n’a pas tout expliqué, peut-être pour être plus audible par les décideurs, les scientifiques du GIEC ont volontairement caché un certain nombre d’informations qui n’allaient pas dans le sens de leur communication. 2

Dans un cas comme dans l’autre, les scientifiques ont sûrement cru bien faire et œuvrer pour le bien de l’humanité (ou de leur pays, ou de leur région).

Mais ce manque de clarté à l’époque d’internet s’avère contre-productif. Traiter ses adversaires d’obscurantistes, alors qu’il y a parmi eux des scientifiques reconnus ne fait pas avancer le débat.

Qu’il y ait des propos outranciers à la fois du côté des agriculteurs qui défendent leur outil de travail donc presque leur survie (il n’y a pas d’indemnisation chômage pour un agriculteur qui doit cesser son activité), et du côté des associations environnementales dont les militants les plus radicaux envisageraient avec plaisir la disparition de l’agriculture, c’est regrettable, mais c’est comme ça.

Que certains propos de Claude Allègre n’aient pas servi la cause des  »climato-sceptiques », c’est une évidence. C’est lui qui a été invité comme porte-drapeau des  »climato-sceptiques » par les médias, qui n’ont voulu retenir que ses excès. De même, il est évident que les positions extrémistes de certains  »écolos » ont un effet tout à fait négatif sur la défense de l’environnement. Quand les animateurs des RIAC3, tentent, avec courage et persuadés de l’importance du combat qu’ils mènent, de vulgariser les conclusions du GIEC, et affirment que tous les changements dus au réchauffement seront néfastes, plus de pluie là ou il en a trop, de sécheresse là où il fait sec, plus chaud là où il fait chaud, plus froid là où il fait froid…, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit plus de l’annonce d’une punition divine que d’un résultat scientifique. Les militants écologistes réinventent le péché originel, et n’éclaircissent pas le débat, qui devient illisible.

Je voudrais ajouter deux remarques.

D’abord dans le cas des algues vertes comme dans le cas du réchauffement, les scientifiques sont partis de modèles.

Les modèles sont d’une grande utilité, il n’est que de voir qu’on arrive à sortir un avion comme l’A380, qui vole au premier essai (heureusement!!!) alors que c’est un appareil d’une énorme complexité. Le métier de pilote d’essai ne consiste plus à redescendre suspendu à son parachute pour raconter ce qui s’est passé, mais à contrôler d’innombrables paramètres, et à pallier les automatismes en cas de problème. Certains doivent trouver que le métier a perdu de son charme !

Il n’est que de voir aussi le cas de la météorologie, dont les modèles s’affinent d’année en année. La qualité des prévisions a progressé de façon formidable dans les trente dernières années, les marins le savent : en course autour du monde, un bateau comme Orange arrive à faire le tour du globe sans avoir jamais plus de 25 nœuds de vent ! Un peu de chance sans doute, des progrès techniques qui permettent une vitesse suffisante pour suivre les perturbations sûrement, mais aussi beaucoup d’informations et d’anticipation. Les grenouilles sont au chômage. (aussi!)

Mais cet exemple de la météorologie n’est pas anodin ; il ne s’agit bien entendu pas de dire que si on ne peut pas prédire à dix jours, il n’y a pas de raison qu’on puisse prédire à cinquante ans. Ce n’est pas du même domaine, la climatologie n’est pas la météorologie. Mais les modèles météorologiques sont testés tous les jours, et la réponse est quasi-immédiate, ce qui permet d’améliorer les modèles en permanence.

Imaginons, si vous préférez, des enfants dont les devoirs faits pendant toute la scolarité seraient rendus ensemble au moment où ils passent le bac ! Il y aurait peut-être des surprises. Ce sont les échecs qui font progresser.

Les scientifiques qui travaillent avec ces modèles, sur les algues vertes ou sur le réchauffement, n’ont d’autre retour sur la validité de leurs modèles que les essais qu’ils peuvent faire à posteriori, en faisant tourner les modèles sur le passé. C’est léger pour les marées vertes (une trentaine de saisons, avec des données collectées de façon très inégale), c’est plus que léger pour le réchauffement, une seule histoire de la Terre, et des hommes pour mesurer et enregistrer tout à la fin de l’histoire.

Le problème est qu’on n’a rien d’autre à proposer à la place en ce qui concerne le réchauffement. On ne peut qu’attendre de voir l’évolution de la température dans les prochaines années. Le vice-président du GIEC, Jouzel, a d’ailleurs dit à Jean Staune : « Si le plateau se maintient encore pendant dix ans, alors Courtillot aura raison. »

Mais Jouzel, comme les autres, est persuadé que si le réchauffement est bien d’origine humaine, il est urgent d’agir, et qu’il ne faut pas sembler avoir le moindre doute pour ne démobiliser personne. Une sorte de pari : on n’a rien à perdre à faire comme si on avait raison. Pascal a fait des émules !

Je suis persuadé que c’est le même type de raisonnement qui a conduit les chercheurs de l’IFREMER à se figer sur leurs positions à propos des nitrates et des marées vertes.

Contrairement au cas du réchauffement, on peut tenter quelque chose avec les marées vertes : l’idée de détourner une partie du débit d’étiage pendant les mois sensibles permettrait de valider, ou pas, les modèles de l’IFREMER et du CEVA.

La deuxième remarque est presque plus importante : dans tous les cas, la conduite à tenir est la même, qu’on adhère aux thèses du GIEC ou pas, il faut diminuer notre consommation d’énergie fossile, parce qu’elle va être de plus en plus chère, que les pays exportateurs ont leurs intérêts qui ne sont pas les nôtres, qu’ils ne sont pas tous des démocraties, et qu’il va de toute façon arriver un moment où il n’y aura plus de réserves. Aucun chercheur n’a d’ailleurs jamais dit :  » allons-y, consommons, quand il n’y en a plus, il y en a encore »

L’exemple du président vénézuélien qui faisait des prix aux pays amis peut sembler sympathique, mais si tous les pays exportateurs se mettent à poser leurs conditions aux pays importateurs, la situation géopolitique va sérieusement se compliquer et la vie quotidienne aussi.

Donc dans tous les cas, nous devons nous débarrasser de notre addiction aux énergies fossiles. Mais on peut le faire sans vomir le monde moderne, en cherchant intelligemment des solutions de remplacement.

Dans le cas des algues vertes, on a vu aussi que, dans tous les cas, il faut faire des efforts sur les taux de nitrates, mais dans un état d’esprit tout à fait différent. Si on cesse d’aborder le problème comme une lutte contre l’agriculture  »agro-productiviste », on peut se dire qu’on fait des efforts communs et qu’on cherche toutes les solutions possibles. Qu’il y ait des efforts à faire pour diminuer les rejets, personne ne le nie. Mais une chose est de se sentir honni, de sentir son travail méprisé, une autre chose est de participer à un effort expliqué et reconnu. Une chose est de se voir fixer un objectif impossible à atteindre, une autre est d’avoir des objectifs chiffrés, et raisonnables.

Quand toutes les rivières bretonnes auront atteint la valeur guide de 25 mg/l, il y aura toujours des marées vertes, et on continuera à le reprocher aux agriculteurs, alors que leurs concurrents, même à l’intérieur de la Bretagne, situés sur des bassins versants n’aboutissant pas à des sites sensibles aux marées vertes, ne seront pas inquiétés. S’ils ont leur part de responsabilité dans les excès qui ont été commis, d’une part ils y ont été accompagnés, que ce soit par l’Europe ou par l’État, d’autre part ils ne sont pas responsables de la sensibilité des sites à marées vertes. Il faudrait en tenir compte.

1 voir  »La science en otage », Jean Staune

2 idem

3 Réseau Initiative Action Climat

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